« Ils brûleront des hommes » Rabiou Taro

Bonjour et bienvenue à vous chers lecteurs du blog du Cactus !

Aujourd’hui pour notre première review, nous allons nous attaquer au roman d’un compatriote. Il s’agit de Rabiou Taro, un jeune auteur Nigérien qui nous livre ici son premier ouvrage intitulé « Ils brûleront des hommes ». Que vaut réellement ce livre ? Vaut-il le coup d’être lu ? C’est ce que nous allons découvrir dans cette review mais avant, intéressons-nous d’abord à l’auteur.


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Rabiou taro.jpgQui est Rabiou Taro ?

Rabiou Taro est né le 03/08/1986 à Zinder. Encore mineur, il quitte sa famille basée au Niger et s’installe en Alsace pour y poursuivre ses études. Il suit ainsi avec succès un cursus en Sciences Politiques et Sociales. Féru de politique, il voit dans l’engagement des jeunes la solution aux problèmes de nos sociétés et en fait son métier, mais ne renonce pas pour autant à devenir écrivain.

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Présentation du livre

« Ils bruleront des hommes » est paru en Novembre 2016 et édité par « IS Editions », une maison d’édition française. Ce livre m’a été offert en cadeau et je dois vous avouer que, instinct de cactus oblige, j’étais un peu fébrile avant d’en débuter la lecture.

En effet, on pourrait accorder quelques concessions quant à la médiocrité – par rapport à l’international – des productions d’autres domaines de l’art tels le cinéma ou la musique nigériens. Cela du fait qu’ils sont généralement limités de base par un budget ainsi qu’un manque d’infrastructures et d’équipements. La littérature quant à elle, ne souffre pas vraiment de ces limitations.

Aucune réelle limitation, par conséquent, si un livre est mauvais, il est mauvais tout simplement.

Je vais vous épargner le suspense : ce livre est vraiment bon.

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La couverture donne déjà le ton, nous sommes devant une production africaine. Le livre arbore une couverture représentant un paysage familier pour la majorité du lectorat Africain, des cases en toit de paille typiques de l’architecture traditionnelle Africaine.

J’ai particulièrement apprécié cette couverture car elle pose déjà le cadre de l’intrigue, qui se déroule dans un village reculé du Niger, le village de Koura (et dont, inculte que je suis, n’ait jamais entendu parler avant la lecture du livre). Parlons-en de l’intrigue.

intrigue

« Ils bruleront des hommes » est un roman qui aborde le thème du terrorisme, particulièrement de l’Islam radical. On suit donc l’aventure de deux héros, d’un côté la jeune Halima, une habitante d’un village reculé du Niger à la frontière du Nigéria, fille émancipée aux tendances féministes et de l’autre, Bastien, un français dont la vie en France n’émeut plus et qui décide de tout plaquer pour venir s’installer à Niamey après s’être pris le râteau du siècle par une fille aux allures de hippie.

Le roman jongle donc entre les deux histoires pour ensuite les faire se croiser, ce qui est scénaristiquement parlant, une idée intéressante mais néanmoins risquée.

En effet, pour que la pâte prenne, il faudrait que les deux histoires puissent susciter un intérêt plus ou moins égal, au cas contraire, on serait tenté de survoler rapidement l’arc du protagoniste que l’on n’apprécie pas particulièrement pour atteindre rapidement celui de notre protagoniste chouchou (Que celui qui n’a jamais survolé un chapitre entier d’un roman me jette la première pierre).

L’Arc HALIMA

« L’Arc Halima » se déroule dans le village de Koura. Halima, une jeune habitante de ce paisible village et accessoirement l’héroïne du livre, assiste un jour à l’arrivée d’un prédicateur, un certain « Cheick Souleymane », qui, dès le premier contact, éveille en elle de sombres pressentiments. Ses inquiétudes s’avéreront fondées car ce dernier va peu à peu transformer les habitants de ce village, en particulier les jeunes pourtant pacifiques, en de véritables fanatiques prêts à commettre toutes les exactions imaginables.

Halima, aidé de ses proches notamment son père et son instituteur, va donc tenter d’endiguer ce fléau et sensibiliser ses pairs quant à la sombre menace qui plane sur leurs têtes.

L’Arc BASTIEN

« L’Arc Bastien » quant à lui nous narre l’histoire de Bastien Dorset, un jeune français, mal dans sa peau qui, après certaines péripéties que je vous laisse découvrir, décide de s’installer à Niamey. Peu après son arrivée dans la capitale Niamey (Niamey la coquette comme on l’appelle) il apprend l’organisation d’un évènement et non des moindres car il s’agit du festival de mode organisé par un illustre styliste du pays, Ali Ber.

En mal d’aventures, il décide donc de se rendre au lieu où se tiendra l’évènement qui n’est autre que, vous l’avez deviné, le village de Koura. Pour ce faire, il s’aide d’un chauffeur, l’acariâtre Koudizé qui est tout simplement mon personnage préféré de l’œuvre. Rien que ça.

Le verdict? J’avoue avoir eu une préférence pour l’arc narratif de notre jeune français, peut-être parce que c’est un personnage auquel je m’identifie beaucoup mais peut-être aussi à cause de la présence de Koudizé allias Daisy (oui c’est son surnom), son acolyte, avec qui il forme un duo des plus sympathiques. L’arc Halima reste quand même très bon, en tout cas assez captivant pour que je le lise avec tout autant d’intérêt et surtout c’est l’arc principal.

Ce que j’ai trouvé franchement dommage par contre, c’est le peu de temps accordé aux différentes interactions entre nos deux protagonistes. On sait qu’ils finiront par se croiser, fatalement, et on attend impatiemment le moment où ils vont finalement se rencontrer. Je m’attendais d’eux qu’ils s’allient pour enfin affronter et défaire l’ennemi commun. Hélas ! Ils vont finalement mener leur lutte chacun de son côté pour enfin se rencontrer « vite fait » en toute fin de l’œuvre lors d’un climax qui, je pense, aurait pu être bien mieux géré. Heureusement, l’épilogue est là pour rattraper plus ou moins le coup, mais il n’aura pas suffi pour m’ôter ce goût de fin un peu expédiée dans la bouche.

Mais parlons plutot de cet ennemi commun. L’antagoniste principal est, vous l’aurez compris, la secte Boko Haram personnifiée sous les traits de Cheick Souleymane, un imam doté d’un talent oratoire incontestable et au verbe agressif. Son statut d’imam ne l’empêche cependant pas de faire des trucs pas très catholiques (sans mauvais jeu de mot) la nuit à l’hôtel, loin des regards indiscrets (ou pas). Il reste néanmoins l’un des personnages les plus intéressants de l’œuvre et le mieux écrit à mon avis.

J’ai beaucoup apprécié la problématique de l’œuvre et la prise de position de l’auteur. En plus de dénoncer le fanatisme aveugle et ses dangers, il nous fait part de ce qui est selon lui le remède à ce fléau, qui est l’éducation. Je ne peux que plussoyer.

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Le style de l’auteur est simple et plaisant à lire, on engloutit les pages sans s’en rendre compte car l’auteur a su imposer un rythme plutôt rapide à l’aventure laissant peu de place à l’ennui. A part quelques fautes qui ont plus l’air de fautes de frappe qu’autre chose, c’est plutôt clean.

J’ai particulièrement aimé les citations glissées çà et là tout au long de l’œuvre dont celle qui inspirera le titre même du Livre « Là où on a brulé des livres, ils brûleront des hommes ».

Un petit détail m’a fait grimacé cependant. A un moment, Halima trouve un livre qui est en fait un recueil de citations et y lit ceci :

« Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous ayez le droit de le dire ».

Cette citation est attribuée à Voltaire. C’est une citation apocryphe, c’est-à-dire dont l’authenticité n’a jamais été établie, en somme Voltaire n’a jamais dit ça. Cette citation a été popularisée par une auteure britannique qui l’a faussement attribuée à ce dernier. Certains diront que je chipote un peu mais cela contribue à la désinformation, et ce, même si la phrase est belle et qu’elle reflète assez bien les idées du philosophe des lumières.

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Mon passage Préféré

Mon passage préféré de l’œuvre est un discours qu’a adressé le Commandant Mansour à Bastien, en réponse à celui-ci, lui reprochant d’avoir violé les droits de l’homme en torturant un des disciples de Boko Haram pour lui soutirer des informations. J’ai trouvé sa réponse pragmatique et pleine de bon sens. Je vous laisse juger :

Vous avez un problème, Monsieur Dorset ?

Très énervé, Bastien démarra au quart de tour.

Oui, et vous savez très bien que je ne peux pas cautionner ce que vous avez fait à cet homme. La torture est un crime grave. Ce n’est pas à l’officier de police que vous êtes que je vais l’apprendre.

Le commandant éclata de rire. Il secoua la tête, fit quelques pas dans la direction opposée, puis revint se planter juste en face de Bastien.

Ecoutez-moi bien, jeune sot. Il y a des choses que vous ne pouvez pas comprendre. Cet homme fait partie d’une secte qui prolifère et menace notre pays et notre population. Comment je le sais ? A sa manière de s’habiller. Les adeptes de cette secte ont déjà fait plusieurs centaines de morts au Nigéria voisin. Maintenant, ils essaient d’essaimer chez nous et ils ont un certain succès. On sait, grâce à la collaboration d’un des leurs, qu’ils vont attaquer notre ville et tenter de faire le maximum de dégâts. Et au cas où vous ne l’auriez pas remarqué, nous sommes ici au Niger, à cinq kilomètres de votre France natale, où la police est très bien équipée et les services de renseignements performants. J’ai besoin des informations et c’est urgent. Alors j’utilise les moyens que j’ai à ma disposition, quitte à froisser un citoyen du pays des droits de l’Homme. Mon choix se veut cornélien, cher ami : je préfère fermer les yeux sur des notions théoriques si cela me permet de sauver des vies. Votre morale à deux balles, vous pouvez vous la mettre où je pense.

Simple et efficace.


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Le verdict du Cactus !

J’ai essayé de parler au maximum du livre sans en dévoiler l’intrigue pour ne pas gâcher la surprise à ceux qui voudraient le lire. C’est un livre que je conseille vivement, d’abord pour sa qualité intrinsèque et ensuite pour sa thématique qui est toujours d’actualité au moment où j’écris ces lignes. Est-ce que ce livre en vaut le coup ? Absolument. Je l’ai lu en une journée, c’est dire.

Ce fut une découverte agréable pour ma part, et c’est avec plaisir je lirai et partagerai avec vous mes impressions sur ses éventuels prochains ouvrages.

Enfin j’espère que cela va inspirer de jeunes nigériens à se lancer dans le pari de cet art qui manque cruellement de représentants.

Merci et à bientôt pour de nouveaux articles.

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23 réflexions sur “« Ils brûleront des hommes » Rabiou Taro

  1. lecactussahelien dit :

    Merci bien Jcerobin !

    Je viens de faire un tour sur votre page, j’ai vu ce que vous faites et j’ai aimé l’initiative.

    Nul doute que je prendrais le temps de lire tous vos articles afin de m’informer sur cette facette du métier du livre, certes discrète, mais pourtant indispensable.

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  2. N'golo Konaté dit :

    D’abord j’aimerai te féliciter pour ta présence d’esprit. J’ai découvert ton blog par le biais d’un ami en commun de la cote d’ivoire avec qui j’ai passé le week end et ton blog est a la hauteur des éloges qu’il m’a fait de toi quand a tes qualités littéraires.
    Concernant ton style d’interprétation il est simple, des paragraphes assez court qui ne décourage pas tes lecteurs quand on connait le désamour de nos compatriotes pour la lecture. J’ai bien aimé ton coté critique de l’œuvre. C’est la preuve que tu es ferru de lecture et de littérature. Cependant je ne peut qu’apprécier l’article n’ayant pas encore lue l’œuvre, mais je la chercherai. J’espère que tu développerai encore plus ton talent pour que nous ayons un immortel. Bien a toi cher frère.

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